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« La petite menteuse », Pascale Robert-Diard : le droit à l’erreur ?

Lisa Charvet, vingt ans, sollicite Alice Keridreux pour reprendre son dossier et la défendre. Jusque-là, la jeune femme était défendue par un bellâtre du barreau pour une histoire de viol. En effet, lorsqu’elle était adolescente, Lisa a accusé Marco Lange, un ouvrier du bâtiment cabossé par la vie, de l’avoir violée. Jusqu’à maintenant, elle campait sur ses positions, ce qui avait conduit Lange a écopé d’une peine de prison conséquente.

« Parce que tu crois qu’il y a un moment pour la vérité ? » (p.124)

Pourtant, aujourd’hui, Lisa se rétracte et avoue à Alice avoir menti. Pourquoi ? Parce que l’adolescence est cruelle et ingrate et que Lisa a bel et bien été la victime du désir masculin autoritaire qui musèle sa proie. Alors il a fallu une pirouette, et Lange s’est retrouve mêlé à l’affaire. Vie(s) gâchée(s) ? Comment accorder à présent du crédit à la parole de Lisa ? Comment la légitimer ? Quand il s’agit de se protéger, mentir est-il un acte sanctionné du sceau de la culpabilité ? En d’autres termes, quand le mensonge est gage de protection, est-on coupable ?

« Alice était accablée par ce qu’elle venait d’entendre. Si cette fille disait vrai, un homme était en prison depuis plus de trois ans à cause d’elle. Ce n’était pas possible. » (p.87)

A travers ce cas d’affaire judiciaire, Pascale Robert-Diard questionne l’enjeu de la parole dans le monde du droit : celle des victimes, des coupables, des témoins et des jurés ; mais aussi celle des avocats, qui cisèlent leur discours pour mieux accuser ou récuser. Tout semble histoire de mot, et ce roman le démontre : les mots que l’on croit, ceux que l’on espère, ceux qui font du bien et ceux qui font du mal, les mots vrais et ceux qui cachent autre chose, amenant à une exégèse bien souvent inattendue…

« Même moi, j’avais fini par me convaincre que tout ce que j’avais raconté était vrai. » (p.101)

Le lecteur avance en tâtonnant, ne sachant s’il doit accorder du crédit à la parole de Lisa, celle passée et celle d’aujourd’hui. De ce fait, il se situe au même niveau qu’Alice, qui écope de l’affaire. Et l’avocate de se questionner sur ce qui est défendable ou non : est-ce que tout accusé mérite d’être défendu ? Comment peut-on se faire le porte-parole de coupables et leur trouver des circonstances atténuantes ? Un challenge évident, mais alors est-ce que la morale a sa place légitime ?

« Tout s’emmêlait. Le sentiment d’urgence qu’elle éprouvait à l’idée qu’un homme avait été condamné à tort. L’exaltation de contribuer à réparer ne erreur judiciaire. La crainte sourde de l’épreuve qui attendait Lisa. Saurait-elle la protéger de la tempête que sa lettre allait déclencher ? Tout était si ténu. Mais l’affaire était belle. Il n’y en avait pas tant, des comme ça, dans une vie d’avocate. » (p.104)

La petite menteuse est un roman qui, dans le domaine juridique, serait considéré comme un cas d’école, car il permet de poser des questions pertinentes et nous fait nous confronter à des cas de conscience. Une plongée inédite dans le monde des robes noires…


La petite menteuse, Pascale ROBERT-DIARD, éditions de L’ICONOCLASTE, 2022, 219 pages, 20€.

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