A croquer

« Restons bons amants », Virginie Carton : dés »ART »oi d’aimer…

Hélène a une vingtaine d’années lorsqu’elle rencontre celui qui, pendant des années et de plus de vingt ans son aîné, sera son amant. Un illustre amant puisque monsieur est un chanteur reconnu. Loin d’être une groupie, Hélène et lui se revoient de façon inopinée, ici ou ailleurs. Le temps d’étreintes brûlantes, le couple se consume, lié par l’évidence de leur attraction. Aucune obligation l’un envers l’autre : seule compte la liberté de pouvoir s’étreindre quand l’un ou l’autre le souhaite, pour quelques heures ou quelques jours. Pourtant, lorsqu’il s’agit pour Hélène d’avancer, c’est avec un autre homme. Car entre elle et son amant, c’est décidé : ils resteront amants, pas plus.

La vie semble confirmer cette sage décision : elle devient mère, auprès d’un homme tout entier dévolu à leur couple, tandis que son amant enchaîne les succès et nourrit son propre ménage. L’âge de raison serait-il advenu ?

Pourtant, ce lien autrefois ardent ne meurt pas et Hélène de reprendre sa relation adultère. « Restons bons amants » ne signe donc pas forcément une rupture (ou alors si rupture il y a elle est éphémère), mais plutôt un statut pérenne : celui d’entretenir malgré tout (le reste) cet « amour » inextinguible.

« Dans ces moments, sans que j’aie besoin de me raconter, tes mots, de loin, me réconfortaient. Tu me ressentais. » (p.37)

« Nous étions de fidèles amants. » (p.53)

Car au-delà de l’extase des sens, c’est aussi la fusion de deux entités qui s’apprécient, qui affectionnent la tendresse de leur relation. Et le sens du mot « amant » de se teinter de son sens premier : « celui qui aime ». Alors, le récit peut prendre une autre dimension que seulement celle d’une relation extra-conjugale uniquement basée sur le désir.

« Nous nous étions promis de ne nous attacher à rien, ni à nous-mêmes. Et nous voilà défaits. » (p.10)

« Nous nous étions promis de ne rien vivre qui puisse ressembler à un amour. Nous nous étions promis de ne nous attacher à rien ni à nous-mêmes. » (p.90)

Hélène est-elle coupable d’entretenir cette double vie ? Sa relation initiale avec son amant est-elle au final la seule qui compte ? Virginie Carton signe-t-elle là l’histoire d’un amour impossible, qui s’annihile lui-même pour ne pas blesser, pour ne pas heurter ? Dans tous les cas, elle signe un joli conte initiatique, sans doute un peu cruel, dont la morale reste en suspens jusqu’au dénouement.

« J’ai perdu pied. Comment avons-nous pu en arriver là ? C’était juste une aventure, pas loin d’une amitié. De mot en mot, de mois en mois, d’année en année, j’ai dérapé. J’en suis venue aux sentiments. J’ai déconné. » (p.77)

Nous retiendrons la force donnée à l’évocation de l’amour, qu’il soit conjugal ou adultérin. On serait tenté de le cautionner, car on perçoit que, dans les deux cas, il est vécu dans son entièreté. Un don de soi double. Mais, à courir après deux « lièvres », aussi épanouissantes les deux relations soient-elles, Hélène ne risque-t-elle pas de finir seule ? Piège amoureux pour une amoureuse qui s’ignore.

« Si l’on renonce pour de bon à une double vie, alors on doit maintenant choisir une vie. Notre vie. Une seule vie. Avec toi, avec moi. Ou sans. » (p.86)

A partir d’un topos que l’on pourrait croire usé jusqu’à la corde, Virginie Carton signe une délicate, personnelle et pudique variation sur l’art d’aimer. Une célébration insolite.

« Je rêvais d’une vie pas ordinaire. Quand je t’ai connu rien n’était ordinaire. Entre nous, rien ne l’aura été. » (p.114)


Restons bons amants, Virginie CARTON, éditions VIVIANE HAMY, 2022, 133 pages, 13.90€.

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