Kimberley Leamy, la trentaine, vit à Melbourne, en Australie, où elle enseigne la photographie. Même si elle pleure encore amèrement la mort de sa mère Carol, elle peut compter sur le soutien et la tendresse de sa demi-sœur Amy et de son beau-père Dean. Mais, un jour, un inconnu venu des États-Unis l’aborde : après des années de recherches, il en est arrivé à la conclusion que lui, Stuart Went, a retrouvé en la personne de Kimberley Leamy sa petite sœur Sammy, enlevée à l’âge de deux ans dans le Kentucky. Sammy et Kim seraient une seule et même personne…
« Cette fillette a disparu le 3 avril 1990 et cela fait vingt-huit ans qu’on ne l’a pas revue. Je ne crois pas que vous avez enlevé Sammy Went. Je crois que Sammy Went, c’est vous. » (p.12)
Kim peine au début à croire cet étranger. Pourtant, les tests ADN confirment l’analogie entre les deux identités et les photos de ses parents a priori biologiques laissent peu de doute concernant les ressemblances physiques…
Lorsque Dean lui annonce qu’il connaissait les origines de Kim, celle-ci se sent trahie.
« Il n’y avait aucune photo de ma naissance ni de mes premiers mois – et aucune autre image antérieure à mes trois ans. » (p.47-48)
Alors, sans plus tergiverser, elle prend un billet pour les États-Unis. Objectif : rencontrer les « vrais » membres de sa famille – sa sœur Emma, son père Jack et sa mère Molly – pour appréhender cette nouvelle réalité et franchir cet océan identitaire – au sens propre comme au sens figuré.
Néanmoins, pas facile de se découvrir une nouvelle famille, complètement éclatée de surcroît, qui accueille la « découverte » de Sammy / Kim de manières diverses. Et surtout, comment expliquer que la petite Sammy ait disparu aux États-Unis et que Kim ait vécu son enfance, son adolescence et son entrée dans l’âge adulte en Australie ? Quelles sont les pièces manquantes du puzzle familial ?
« Je croyais qu’il y avait une faille, et qu’elle serait comblée quand la pièce manquante réapparaîtrait. Tout redeviendrait normal alors. Mais c’est pas comme ça que ça marche, la vie. » (p.226)
Totalement addictif, ce premier roman de Christian White est assez génial dans sa structure narrative. Jugez-en : les chapitres alternent entre la voix de Kim au moment où elle est interpellée par son frère à Melbourne puis son périple américain, et une voix omnisciente qui retrace le passé de la famille Went, dans le Kentucky, avant, pendant et après la disparition de l’enfant.
C’est alors l’occasion de disséquer une famille qui peine à afficher un bonheur éclatant. Ou, du moins, la joie n’est que de façade. Ainsi, Jack, le père de famille, prospère pharmacien de la petite ville de Manson, n’assume pas son orientation sexuelle et faute dans le dos de sa femme avec son amant régulier.
« Si Dieu – ce Dieu auquel il avait cru si intensément dans son enfance et qu’il avait rejeté à l’adolescence – était vraiment en train de le punir ? Pas seulement parce qu’il avait perdu la foi, mais à cause de ce qu’il avait fait avec Travis Eckles, et avec Buddy Burns, et avec cinq ou six inconnus, de Coleman à Harlan County. » (p.298-299)
Molly, quant à elle, est totalement illuminée par sa foi en L’Église de la Lumière Intérieure, confession quasi sectaire qui soumet ses fidèles à des épreuves délirantes. Or, depuis la naissance de la petite Sammy, Molly s’est progressivement étiolée, se livrant à des accès de colère conséquents envers la petite. Qu’est-ce qui explique une telle débandade familiale ?
Lorsque la sœur aînée Emma grave, dans le moulin abandonné de Manson, le nom de sa petite sœur pour honorer la légende selon laquelle quiconque écrit le nom d’un individu voit ce dernier disparaître dans les vingt-quatre heures, se doute-elle que ce qui n’était pour elle que pure fabulation va se transformer en cauchemar bien réel ?
Mythologie familiale, emprise religieuse, (af)fabulations identitaires : Le Mystère Sammy Went est riche de thématiques littéraires renouvelées. On ne peut que désirer voir les deux temporalités / deux pays / deux familles / deux identités se rejoindre lors de la révélation ultime, totalement inattendue vous vous en doutez, mais hautement crédible.
« leur mensonge initial se perdait peu à peu dans les limbes du passé – ce passé devenu un océan noir, traversé de monstres et de requins. » (p.406)
Christian White propose un roman redoutable d’efficacité. Succombez sans plus attendre pour découvrir la résolution du Mystère Sammy Went !
Le Mystère Sammy Went, Christian WHITE, traduit de l’anglais (Australie) par Simone Davy, 2019, 409 pages, 21.90€.
Un grand merci aux éditions Denoël pour l’envoi gracieux de ce roman littéralement dévoré !
Je sens que je vais adorer cette double histoire !
J’ai terminé La servante écarlate, je te fais un petit topo très bientôt…
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Hâte !!! 👌🤗🤓👍
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